Journée d’études « Discours médiatiques en situation post-conflictuelle »

 

MSHS – Université de Poitiers

Jeudi 18 Février 2016

 

Journée organisée par Ludivine Thouverez et Élodie Gallet

(Laboratoire MIMMOC)

 

 

Argumentaire

 

Les médias jouent un rôle décisif dans l’évolution des conflits armés, politiques ou identitaires. Le choix d’accorder de la visibilité – ou non – à un conflit, la caractérisation des parties impliquées dans celui-ci et la définition même du conflit conditionnent l’opinion publique et peuvent mener à l’escalade ou à l’apaisement des tensions. Ce constat est d’autant plus manifeste lorsque le conflit a lieu sur leur propre territoire et oppose des communautés ethniques ou nationales différenciées. Les discours haineux de la radio des Mille Collines qui justifièrent l’extermination des populations tutsi par les Hutu lors de la guerre du Rwanda ou, inversement, la pratique du journalisme de la paix, élaborée par le spécialiste des conflits Johan Galtung et mise en œuvre en Colombie et au Soudan, en sont l’illustration.

À ce jour, peu de recherches ont été effectuées sur le rôle des médias en situation post-conflictuelle. Cette période, assurant la transition entre les phases d’affrontements et de réconciliation, est d’autant plus intéressante que, dans les conflits armés, les cinq années suivant la cessation des hostilités présentent un risque élevé (44%) de reprise de la violence[1]. Le passage d’un régime politique à un autre comporte aussi des risques d’affrontements civils entre partisans de l’ancien pouvoir et forces politiques émergentes.

Envisagée sous l’angle discursif, la situation post-conflictuelle se caractérise par la relecture et la réécriture des événements passés, l’adoption de nouvelles stratégies médiatiques et la formulation d’un discours visant à changer les attitudes et les croyances ayant sous-tendu le conflit. En effet, faire la paix avec l’ennemi implique de le reconnaître en tant qu’interlocuteur légitime. C’est pourquoi le militant de l’IRA, autrefois qualifié de « terroriste », devient « républicain » dans le discours des médias britanniques après la signature des accords de paix en 1998 ; et pourquoi les États-Unis passent de la catégorie de pays « ennemi » à « voisin » de Cuba, suite à la reprise des relations diplomatiques entre Washington et La Havane, en décembre 2014.

 

Nous proposons d’orienter les réflexions autour de plusieurs axes thématiques :

    1. Evolution terminologique et sémantique dans la description des adversaires d’hier. Justifier la présence de l’ennemi d’hier à la table des négociations ou dans la vie politique nouvelle d’un pays entraîne une redéfinition de son statut. Comment les médias réagissent-ils à cette nouvelle donne, particulièrement lorsque la paix est imposée par « le haut » ? Les changements sémantiques sont-ils accompagnés d’une déconstruction des stéréotypes ?
    2. Recherche de la vérité historique vs. pacte de l’oubli. Les conflits sont souvent associés au manque d’information, à la manipulation, à la rumeur et à la propagande. La fin des hostilités est-elle suivie par la recherche de la vérité historique ou, au contraire, par un silence et une forme d’autocensure visant à ne pas rouvrir les blessures ? Existe-t-il une exigence de création de commissions de la vérité et de réparation morale ou financière des victimes ?
    3. Représentation de la réconciliation. Nous nous intéresserons aux stratégies mises en place pour faciliter la réconciliation entre victimes et agresseurs. Comment la réconciliation est-elle « mise en scène » par les médias ? Quel discours proposent-ils quand les rôles entre victimes et agresseurs ont été échangés (comme en Bosnie ou au Burundi) et quand la société civile a contribué à la violence ?

Ces thématiques pourront être étudiées à la lumière de situations postérieures à la signature d’accords de paix (Irlande du Nord, Pays basque, Balkans, Israël-Palestine, Colombie, etc.), du passage d’un régime politique à un autre (Afrique du Sud, pays du Maghreb), d’un rapprochement diplomatique (Cuba – États-Unis) ou encore d’une réunification (Allemagne) au cours des trente dernières années.

 

 

 

Modalités pratiques

 

Les communications, d’une vingtaine de minutes, s’effectueront de préférence en français et pourront faire l’objet d’une publication postérieure.

 

Les propositions de 200 à 250 mots sont à envoyer à Ludivine Thouverez (ludivine.thouverez@univ-poitiers.fr) et Élodie Gallet (elodie.gallet@univ-poitiers.fr) avant le 31 mai 2015.

[1] P. Collier et al., Breaking the Conflict Trap: Civil War and Development Policy, New York, Oxford University Press, 2003. Collier estime à 44% le risque de résurgence de la violence.