A l’occasion des soixante ans de l’abolition de la peine de mort au Royaume-Uni par le Murder (Abolition of Death Penatly) Act du 08 novembre 1965, combat, en France cher à Victor Hugo, y compris à travers ses dessins exposés en 2025 à la Royal Academy à Londres, une journée d’étude sera consacrée à ce thème ainsi qu’aux grands abolitionnistes à l’Université de Poitiers. Si ce sujet de l’abolition, et par-delà de la défense des droits humains, est loin d’être nouveau, il n’en demeure pas moins d’une importance capitale en cette période où droits et libertés fondamentaux font l’objet d’une régression généralisée, y compris au sein de pays à forte tradition démocratique.
L’abolition de la peine de mort a beaucoup été associée à la figure des « grands hommes ». En France, Robert Badinter l’a personnifiée. A sa mort, en 2024, les hommages ont été nombreux, jusqu’à l’annonce d’une entrée au Panthéon en octobre 2025. Les écrits et dessins de Victor Hugo sont également largement connus dans ce contexte. Au Royaume-Uni, la loi menant à l’abolition était une Private Member’s Bill, une proposition de loi issue d’un député – en l’occurrence le député travailliste Sydney Silverman, figure avant-gardiste, principal artisan de cette abolition – ne faisant pas partie du gouvernement, procédure plutôt rare dans un système parlementaire où le gouvernement contrôle l’agenda du Parlement de manière serrée. C’est ainsi que Sydney Silverman, bien que n’ayant jamais été membre du gouvernement, a réussi à faire voter ce texte. Il est reconnu comme l’une des principales figures britanniques de ce combat à l’instar du romancier Arthur Koestler ou encore de l’écrivain et journaliste JB. Priestley.
La place de cette abolition dans la mémoire collective s’incarne donc différemment en France et au Royaume-Uni, mais elle s’inscrit souvent dans un discours ancré dans le futur. Il ne s’agit pas simplement de célébrer le passé, mais également de s’interroger sur ce que cet héritage pourrait devenir. Or, les appels à revenir en arrière au niveau des politiques pénales existent toujours. Ainsi aux États-Unis, où la peine de mort est toujours en vigueur dans un certain nombre d’États, l’une des premières mesures du Président américain Donald Trump a été de mettre un terme au moratoire sur les exécutions fédérales de l’administration de son prédécesseur (Joe Biden) par une directive présidentielle du 20 janvier 2025 – jour de sa prise de fonction – afin, selon ses termes, de « restaurer la peine de mort et protéger la sécurité publique ». En France et au Royaume-Uni, la question de la régression généralisée des libertés (qu’évoquait déjà Roger Errera dans les années soixante-dix) et d’une opinion publique qui de temps à autre redit son désir de « décapiter » – n’est pas sans évoquer la notion de populisme pénal et de ses différents avatars. De telles positions apparaissent à la fois dans le discours, et surtout dans les choix de politique publique. Si la peine de mort demeure trop souvent encore un tabou, la violence de certains choix de politique de même que de certains discours, est inquiétante.
Au-delà de l’hommage qui pourra être rendu aux grands abolitionnistes à l’instar, en France, de Victor Hugo, ou, plus récemment de Robert Badinter, la question mémorielle – au cœur des travaux du MIMMOC à Poitiers – sera évoquée.
Les problématiques suivantes pourront être abordées, dans les aires nord-américaine, française et britannique :
– La place des grands abolitionnistes dans le discours sur l’abolition de la peine de mort, dans une perspective d’interrogation de la mémoire de cette abolition.
– Les représentations de l’abolition de la peine de mort, avant et après qu’elle advienne, dans la littérature et les arts visuels.
– La place de la peine de mort et/ou son abolition dans l’idéologie des différents partis politiques, vue sous l’angle de l’histoire des idées.
– La question européenne, en particulier de la place de la peine de mort dans la jurisprudence de la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH) pourra être examinée, y compris sa possible remise en cause demain alors qu’elle fait désormais partie des valeurs européennes. Comme le faisait observer Céline Lageot, « La sacralisation de la valeur sacrificielle de la peine de mort marquerait une victoire de l’obscurantisme ».
– Le lien avec le populisme pénal et les discours prônant une réponse dure dans le domaine de la justice.
Cette journée d’étude réunira des spécialistes de différentes disciplines dont des historiens, des civilisationnistes, des politologues, des juristes, des littéraires ainsi que des spécialistes d’arts visuels pour participer à cette réflexion. Une perspective comparative pourra être utilement adoptée.
A cette occasion, l’ouvrage co-dirigé par les professeurs Emma Bell et David Gordon de l’Université de Savoie Mont Blanc pourra également faire l’objet d’une présentation.
Bibliographie sélective :
BADINTER, Robert, L’Abolition, Le Livre de Poche, 2002.
BADINTER, Robert, L’Exécution, Le Livre de Poche, 1977.
BAILEY, Victor, Nineteenth-Century Crime and Punishment, Routledge, 2021.
BECCARIA, Cesare, Traité des Délits et des Peines (1764), Paris ; Institut Coppet, nouvelle édition, 2011.
BELL, Emma & David GORDON (dir.), Envisioning Abolition, Bristol University Press, 2025.
CAMUS, Albert, Réflexions sur la guillotine (1957), Folio Philosophie, nouvelle édition, 2008.
ERRERA, Roger, Les libertés à l’abandon, Paris : Seuil, 1975.
HUGO, Victor, Le dernier jour d’un condamné, édition de Roger Borderie, collection Folio Classique, nouvelle édition 2017.
FINLEY, Laura, L. The Death Penalty as State Crime. Who can Kill? Routledge, 2024.
Les propositions de communications de l’ordre de 300 à 400 mots, accompagnées d’une courte biographie, pourront être adressées aux adresses électroniques suivantes, avant le 30 juin.
elizabeth.gibson.morgan@univ-poitiers.fr