L’intitulé du projet pour le plan quadriennal (2022-2027) est : « Mémoire, Identité, Marginalité – représentations et redéfinitions de la démocratie dans les cultures européennes et américaines ». La structuration, en trois grands pôles qui dialoguent, est la suivante:
Démocratie et enjeux :
Cet axe nous conduira à élaborer une réflexion épistémologique sur le fait politique (ses tensions) et social, sur la définition et redéfinition (aspects juridiques, comparaisons…), sur des thèmes comme la pluralité, la diversité, les rapports minorités-majorités. La redéfinition des relations entre les pouvoirs institutionnels, sous l’effet de la montée des nationalismes et des populismes, tend à aggraver le processus de marginalisation des parlements déjà affaiblis par une crise de représentation et de légitimité, selon la perception des citoyens. Ce phénomène de marginalisation se retrouve aussi au niveau de la gouvernance territoriale, les autorités locales et les institutions issues de la dévolution ou de la décentralisation ont le sentiment d’une remise en cause de leur autonomie et d’un manque accru de visibilité. Au-delà ce sont les droits de l’homme eux-mêmes et l’état de droit qui loin d’être renforcés par les questionnements autour de la démocratie sont de plus en plus marginalisés.
Circulations : migrations et circulations des idées :
Au-delà des phénomènes de migration et de mobilités humaines, on s’intéressera à l’évolution des dynamiques interculturelles (européennes, américaines, d’Asie centrale…). On abordera le sujet de la Diversité ethnique et post-multiculturalisme :
Près de cinquante ans après les premières politiques de multiculturalisme en Occident, la critique dans le cadre du post-multiculturalisme reste pour une part prédominante focalisée sur le danger de l’essentialisme culturel. Après la tentative non aboutie de séparation de l’anthropologie entre champs d’études social et culturel, les sciences sociales se trouvent à nouveau confrontées à l’écueil d’une compréhension approfondie des liens structurels et subjectifs qui associent le politique et le culturel. La critique dans le cadre du post-multiculturalisme est moins dichotomique qu’à son origine mais le débat sur la préservation culturelle continue de produire un débat confus tant au sein de l’opinion publique que parmi les théoriciens, nombreux à dénoncer le risque du repli identitaire tout en ne rejetant pas la nécessité d’une prise en compte et d’une ouverture au multiculturalisme. La recherche dans le cadre du post-multiculturalisme se doit par conséquent de faire le point sur les différentes propositions théoriques mais se doit d’être également critique afin d’interroger l’ « idéal » pluraliste, en mettant en perspective les différents points de vue émanant des milieux de la gouvernance, de la recherche/formation et de la société civile (notamment le point de vue des groupes ethniques). Cette mise en relief permet d’ailleurs d’établir les conditions favorables au décloisonnement des savoirs et au dialogue interculturel : objet qui peine à s’afficher comme domaine scientifique à part entière en Europe, l’interculturel émerge pourtant comme un champ d’étude permettant d’interroger de manière pertinente les contextes socio-démographique et institutionnel (approche macrosociale) ainsi que les processus de construction sociale entre groupes et individus (approche microsociale) à l’œuvre dans les sociétés multiculturelles contemporaines. Le multiculturalisme reste au cœur des réflexions et/ou des situations qui transforment les nationalismes et qui nourrissent les problématiques de la citoyenneté, du projet social et des orientations identitaires. Dans le contexte actuel de la perte de sens du politique le principal défi du post-multiculturalisme est de proposer une prise en compte renouvelée du culturel par le politique.
Pour le Mimmoc, l’intérêt premier de cet axe de recherche est de donner un prolongement à nos deux approches structurantes (culturelle et politique) tout en renouvelant les perspectives de travail. Au niveau des masters, cette approche nous permet de prendre position tant vis-à-vis d’un projet commun avec les historiens que face à la proposition de nos collègues de lettres (master littérature et politique). Il nous permettrait également d’avoir une force de proposition dans la perspective de cours communs de concours avec nos collègues littéraires.
Conflits et post-conflits politiques, environnementaux, place de la femme :
L’analyse des situations conflictuelles à l’échelle intra-étatique et inter-étatique interroge la nature des conflits et des résolutions des conflits. L’analyse est également abordée sous l’angle des crises de la représentation (discours médiatique, mémoire et commémoration, justice transitionnelle (restorative justice). Le projet de mise en place d’un master à l’initiative du Coimbra Group, intitulé « Peace and Conflicts Studies » dans lequel le MIMMOC est fortement impliqué, ouvre la possibilité d’enrichir cet axe de recherche.
La question spatiale, que nous considérons de manière transversale, et environnementale est importante dans un contexte de crise environnementale, où les sociétés sont à la recherche de nouvelles solutions. Celles-ci impliquent des transformations des modes d’habiter et la mobilisation de savoirs (anciens et nouveaux, profanes et savants..) qui circulent à tous les niveaux, traduisant des formes de mondialisation des idées et des réactions à ce processus. Les changements à l’œuvre nourrissent de nouvelles formes de mise en récit de la nature, des patrimoines et des territoires. Sociétés et individus sont pris dans cette matrice de mise en récit (les mémoires sont convoquées, les identités sont interrogées, etc.). Les recherches pourront porter sur la manière dont sont élaborés ces récits, sur l’analyse des transformations des paysages, des modes d’habiter et des rapports socio-politiques qu’ils engagent. Ces récits mobilisent des facteurs comme les patrimoines matériels et immatériels, la nature sauvage, les paysages culturels. Les espaces marginaux, en Europe mais également en Amérique du Nord, pourront constituer des terrains privilégiés, pour analyser comment la recherche de solutions de transition écologique, la mise en place d’initiatives de conservation radicale (rewilding) et d’autres formes de mobilisation environnementale modifient les modalités de délibérations démocratiques et les rapports de pouvoir. Dans cette perspective, le champ interdisciplinaire de la political ecology offre un cadre d’analyse très riche. Cette entrée peut donner lieu à une approche transversale avec les deux autres axes.
La question féminine, déjà abordée par l’équipe (travail genré, figures féminines, mobilité…) est traitée dans les nouvelles orientations du CPER 2022-27 (projet Transcis : « Transitions sociétales, mutations culturelles et inclusion sociale »), notamment sous l’angle de la santé corporelle et mentale, des violences faites aux femmes qui sont le problème de toute la société. La prévention et l’inclusion sociale sont des aspects essentiels pour s’attacher aux moments de transition. Traité de manière transversale, cet axe est aussi à l’interface des thématiques démocratiques et de circulation des savoirs.